imageTribune Libre parue dans Vignes & Vergers n°6 - 19.11.2025
 

De quelle concurrence parlons-nous ?

Aujourd’hui c’est une évidence, nous produisons avec des exigences élevées, qu’elles soient environnementales ou sociales. Nous avons un marché ou les prix évoluent de plus en plus vers le bas, en contradiction totale avec nos coûts. Donc nous sommes sur un marché non concurrentiel.

Sur le marché il n’y a plus que les prix cassés. Exemple la livre de pain à 99 ct ou la Dôle AOC Valais à CHF 2,90 la bouteille de 75cl. Comment est-ce possible en Suisse, un pays que l’on considère comme un Etat de droit ? Ces exemples confirment qu’il n’en n’est plus un depuis la déconstruction de la loi sur la concurrence, le développement des accords de libre-échange et la soumission à l’OMC. À cela s’ajoutent : la suppression des taxes d’importation sur tous les biens artisanaux et industriels depuis le 1er janvier 2024 ; pour l’agriculture, les abaissements, voire les suppressions des mesures tarifaires dans le cadre des accords de libre-échange ; ainsi que l’interdiction du droit de l’entente qui permettait de garantir des prix rémunérateurs à toute une filière de production. Aujourd’hui ce n’est que le metteur en marché qui a de la marge. Les commerces qui gagnent sont les casseurs de prix à l’image d’Action, d’Hornbach, d’Aldi ou encore de Lidl. Nos autorités qui devraient réagir et interdire la destruction du tissu économique local ne font rien. Elles ont elle-même supprimé les articles de lois permettant d’avoir une vraie politique de la concurrence.

À l’ASVEI (Association Suisse des Vignerons-Encaveurs Indépendants) nous ne voulons pas vivre des aides ou des paiements directs de la Confédération. Nous demandons des conditions cadres permettant à nos domaines d’être pérennes, de se développer et d’assurer des revenus dignes de ce nom à tous les actifs de la branche, y compris nos employés. Comment cette Suisse, si riche, peut-elle admettre que le marché empêche notre secteur de verser des salaires amplement mérités ?

Une vraie concurrence c’est quand tous les acteurs sont soumis aux mêmes normes sociales et environnementales et aux mêmes niveaux de coûts de production. Le contraire c’est de la concurrence déloyale et de la distorsion de la concurrence. Pour cela, l`article 96 de la Constitution, traitant de la concurrence doit être complété. Doit y figurer le devoir de la Confédération de protéger la production suisse, qu’elle soit agricole, artisanale ou industrielle. Il faut intégrer dans la loi la notion de distorsion de concurrence pour lutter contre le dumping et interdire la mise sur le marché à des prix en dessous des coûts locaux. Et bien sûr, les termes de nos accords avec nos voisins européens ou plus lointains doivent être basés sur le respect de nos normes, de nos coûts. L’article 2 de la constitution, alinéa 2 stipule que « La Confédération favorise la prospérité commune, le développement durable, la cohésion interne et la diversité culturelle du pays. » A quand des actes en conformité avec cet article ? Seul le rétablissement d’une vraie concurrence permettra à notre viticulture un bel avenir !

 

Willy Cretegny
Président de l’ASVEI

 

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